EIP ou PLCI : quelle solution privilégier pour optimiser votre pension complémentaire ?
- nicolascellieres0
- 12 nov.
- 7 min de lecture

En tant qu’indépendant, la préparation de votre pension est un enjeu majeur. Si le régime légal offre une base souvent insuffisante, plusieurs formules de pension complémentaire permettent d’enrichir votre future retraite tout en bénéficiant d’avantages fiscaux. Parmi celles-ci, deux instruments dominent : la Pension Libre Complémentaire pour Indépendants (PLCI) et l’Engagement Individuel de Pension (EIP). Bien que poursuivant un même objectif – la constitution d’un capital pension fiscalement avantageux – ces deux solutions diffèrent sensiblement dans leur structure, leur traitement fiscal et leurs modalités d’investissement.
1) Description succincte des produits
La PLCI
Il s’agit d’un contrat individuel souscrit par l’indépendant, à titre individuel. La PLCI permet de constituer un capital pension avec déduction fiscale des primes dans les limites légales. Les primes sont généralement investies en branche 21 (capital garanti). Les Participations bénéficiaires peuvent être réinvesties en branche 23 (fonds d’investissements). Depuis, une compagnie permet d’investir jusqu’à 25% de la prime en branche 23.
L’EIP
Il s’agit d’un contrat souscrit et financé par la société au bénéfice du dirigeant. Les primes versées sont généralement déductibles comme charge de la société si respect des conditions (dont la règle des 80 %). Les primes peuvent être investies tant en branche 21 qu’en branche 23 suivant le produit choisi.
2) Fiscalité et charges
La PLCI
Fiscalité à l’entrée
Il n’y a aucune taxe sur les primes.
Fiscalité en cours de contrat
Le paiement de la PLCI en personne physique peut entrainer plusieurs avantages au niveau de vos impôts personnels. L'État encourage la souscription d'une PLCI au travers des incitants suivants :
- Déduction d'impôt : moyennant le respect des conditions légales, vous pouvez déduire les versements effectués dans un contrat PLCI à titre de « cotisations sociales », c'est-à-dire comme charges professionnelles dans les limites du plafond légal. Cet avantage fiscal important varie en fonction de votre taux marginal d'imposition (le taux auquel la tranche la plus élevée de vos revenus est taxée).
Les primes se limitent au minimum et au maximum légalement fixés (minimum 100€/an et maximum 8,17 % (PLCI) du revenu professionnel d’il y a 3 ans sans que la prime ne puisse dépasser 4.000,44 € ou 9,40% (PLCI sociale) du revenu professionnel d'il y a 3 ans sans que la prime ne puisse dépasser 4.602,71 €).
Et si les primes sont payées par la société ?
Les cotisations de la PLCI peuvent être versées par la société. Ces primes génèrent un ATN imposable dans le chef du dirigeant, mais seront déduites des revenus professionnels, de sorte que l’opération soit fiscalement neutre.
Fiscalité à la sortie
Moyennant le respect des conditions légales, le capital pension bénéficie d'une fiscalité avantageuse basée sur le principe de la rente fictive. Cela veut dire qu'une partie du capital pension acquis est ajoutée chaque année au revenu imposable et taxée au taux marginal et ce pendant 10 ou 13 ans. La participation bénéficiaire n’est pas taxée lors du versement. Il faut d’abord retenir la cotisation INAMI qui s’élève à 3,55% et une cotisation de solidarité de 2% du montant total.
Toutefois, si vous êtes resté effectivement actif jusqu’à 65 ans, le versement bénéficiera des modalités plus favorables résultant du pacte des générations. La rente fictive sera dans ce cas calculée sur 80% du capital.
L’EIP
Fiscalité à l’entrée
Les primes sont payées par la société et déductibles comme charge professionnelle si elles sont conformes (motivation économique, non-excès par rapport à la règle des 80 %, etc.). Les primes d’EIP supportent une taxe d’entrée (prélevée par l’assureur) de 4,40 % sur la prime affectée à la garantie pension. Cette taxe réduit immédiatement le montant de la prime investie.
Fiscalité en cours de contrat
La société peut déduire les cotisations comme charges professionnelles à condition que le dirigeant d'entreprise perçoive une rémunération mensuelle régulière et que la règle des 80 % soit respectée. Les cotisations sont soumises à une taxe de 4,4 %.
Un EIP rapporte plus en net qu'une augmentation similaire de votre rémunération brute. Les cotisations pour l'EIP ne sont en effet pas considérées comme un avantage de toute nature imposable, pour autant que le dirigeant d'entreprise perçoive une rémunération mensuelle régulière, et ne sont donc pas soumises à l'impôt des personnes physiques.
Vous pouvez optimiser fiscalement votre EIP chaque année en fonction de vos revenus imposables et de la règle des 80 %. En versant soit une cotisation périodique, soit une cotisation unique de rattrapage. De quoi réduire le bénéfice d'un exercice donné.
Fiscalité au terme
L’EIP est taxé une seule fois au moment de la sortie : un prélèvement forfaitaire sur le capital est appliqué. Le taux effectif dépend de l’âge de prise de la prestation et du fait d’être resté actif jusqu’à l’âge légal de la pension.
Ainsi, le capital final sera imputé d’une retenue INAMI (3,55 %) et d’une cotisation de solidarité (comprise entre 0 % et 2 %).
Le solde sera ensuite grevé de l’impôt, calculé à un taux d'imposition distinct :
• 20 % si votre capital de pension est versé à 60 ans,
• 18 % si votre capital de pension est versé à 61 ans
• 16,5 % si votre capital de pension est versé à 62, 63 ou 64 ans
• 10 % si votre capital de pension est versé à partir de 65 ans ; ou à l’âge où vous avez atteint une carrière complète conformément à la législation applicable en matière de pension ET si vous êtes resté effectivement actif jusqu’à cet âge.
Concernant la Participation bénéficiaire, il y a une retenue INAMI (3,55 %) et une cotisation de solidarité (0 % - 2 %) mais pas d'impôt.
3) La règle des 80 % — périmètre et conséquences pratiques
La règle des 80 % vise à empêcher qu’une combinaison pension légale + pension complémentaire (deuxième pilier) ne génère un revenu de pension supérieur à 80 % de la rémunération brute de référence (dernière rémunération normale pour dirigeants).
Cette règle tient compte de l’ensemble des réserves du 2e pilier (plans sectoriels, EIP, PLCI, etc.) — autrement dit, la PLCI et l’EIP entrent dans le périmètre d’appréciation du deuxième pilier pour vérifier le plafond des 80 %. Cela signifie qu’un versement trop élevé via un EIP (ou combinaison EIP+PLCI) peut rendre non déductible la partie de la prime qui provoque le dépassement.
En revanche la règle des 80 % ne sert pas à calculer la limite technique de cotisation d’une PLCI (les plafonds de cotisation PLCI sont fixés séparément), mais elle s’applique pour vérifier que le futur revenu global ne dépasse pas 80 % de la référence.
Conséquences pratiques : avant toute mise en place d’un EIP (et souvent avant versement de nouvelles primes PLCI importantes), il convient de faire le calcul de la règle des 80 % afin de déterminer la part déductible et anticiper une éventuelle cotisation Wijninckx / perte de déductibilité.
4) La cotisation Wijninckx
Lorsque le total (pension légale + pensions complémentaires) dépasse un certain « objectif » (lié à la pension la plus élevée des fonctionnaires), une cotisation spéciale (appelée “Wijninckx”) peut devenir exigible. Elle est due par l’employeur/la société (ou l’indépendant selon le statut) et prélevée par l’organisme social compétent (ONSS pour salariés, INASTI pour indépendants). Il s’agit d’une charge sociale supplémentaire à anticiper lorsque la pension complémentaire est très élevée.
5) Comparaison chiffrée — exemple illustratif
Hypothèses (exemple simplifié pour comparaison uniquement) : capital disponible à la date de liquidation = 100 000 € constitué de 80.000€ de capital garanti et 20.000€ de Participations bénéficiaires. Perception à l’âge 65 ans. Au moment de sa pension, notre contribuable est imposé à un taux marginal de 40% + additionnels communaux de 8%.
PLCI en privé | PLCI en société | EIP | |
Avantage fiscal | +40.000€ | +20.000€ | +20.000€ |
Taxe d'entrée | 0€ | 0€ | -3.520€ |
Cotisation INAMI | -3.550€ | -3.550€ | -3.550€ |
Cotisation de solidarité | -2.000€ | -2.000€ | -2.000€ |
Taxation capital final | / | / | / |
Taxation rente fictive | -12.864€ | -12.864€ | / |
Avantage fiscal net | 21.486€ | 1.586€ | 2.770€ |
Interprétation : dans cet exemple simple, l’EIP génère — sous ces hypothèses — un avantage fiscal net total légèrement supérieur à la PLCI. Toutefois :
• La PLCI reste très intéressante lorsqu’elle est financée avec des fonds privés, à la condition que le dirigeant ne doivent augmenter son salaire pour payer les primes…
• l’EIP permet une imposition unique et une planification via la société (déductibilité immédiate des primes) pouvant conduire à un taux Isoc réduit;
• la PLCI conduit à une imposition étalée, qui peut être fiscalement avantageuse si l’assuré a un taux marginal inférieur à la liquidation.
Les résultats sont très sensibles aux hypothèses : âge de liquidation, taux marginal d’imposition, existence d’une carrière complète (qui permet des taux EIP réduits), taxes communales, et présence d’une cotisation Wijninckx.
7) Points de vigilance et recommandations pratiques
Simulations personnalisées impératives : il est impératif de tester différents scenarios (âge de sortie, taux marginal, stratégie d’investissement)
Vérifier la règle des 80 % avant toute mise en place d’un EIP (et avant toute augmentation de la PLCI) pour éviter une non-déductibilité partielle des primes.
Anticiper la cotisation Wijninckx si la combinaison pensions légales + complémentaires dépasse les seuils administratifs.
Coordination salaire / dividendes / prime EIP : l’EIP est un outil d’optimisation de rémunération globale. Il convient de l’intégrer à la comptabilité de votre entreprise et sa planification fiscale.
Conclusion
PLCI et EIP restent deux leviers puissants du deuxième pilier pour les entrepreneurs : la PLCI est simple, accessible à tout indépendant et imposée via la rente fictive ; l’EIP est un outil d’entreprise, flexible et potentiellement plus optimisant fiscalement mais avec des coûts d’entrée (4,40 %), des prélèvements de sortie variables selon l’âge et le risque d’application de la règle des 80 % et de la cotisation Wijninckx. Il n’existe donc pas de solution universelle : une analyse individuelle (simulations âge/capital/taux marginal/carrière) et une coordination entre les comptes de votre société et votre fiscalité sont indispensables.
Rédigé le 10 novembre par l'équipe d'OPTIVY
