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Emprunter, épargner et investir à l’heure de la hausse des taux

Les taux à long terme sont en hausse depuis quelques mois. Que faire si vous devez contracter un crédit hypothécaire? Ou si vous possédez des titres en portefeuille?





Les taux à long terme sont en hausse depuis quelques mois. Que faire si vous devez contracter un crédit hypothécaire? Ou si vous possédez des titres en portefeuille? L’épargne a-t-elle de nouveau de l’intérêt?

Alors que les taux à long terme n’en finissent plus de grimper ces derniers mois – l’OLO belge ayant atteint 1,61% cette semaine – l’impact se fait ressentir sur de nombreux produits financiers comme les prêts logement (crédits hypothécaires, crédits rénovation…) mais aussi sur les actions et les fonds d’investissement. Quelle est la « bonne » attitude à adopter pour éviter de voir vos investissements et votre patrimoine fondre dans ce contexte haussier?

1. Crédits hypothécaires

Si vous envisagiez d’emprunter pour financer l’acquisition d’un bien, attendez-vous à ce que votre crédit vous coûte désormais plus cher. Les taux plancher qui enfoncent même le seuil de 1% font désormais partie du passé. Dès lors, bien que le taux fixe soit encore plébiscité par 9 emprunteurs sur 10, selon les chiffres de l’Union professionnelle du crédit au 1er trimestre de 2022, le taux d’intérêt variable aurait-il de nouveau de l’intérêt?


  • Nouveau crédit

Chaque emprunteur ayant une situation personnelle qui lui est propre (revenus, capacité d’emprunt, quotités, etc.), « cela dépend donc de sa situation, mais aussi du bien convoité et de nombreux facteurs comme la nature du crédit et sa durée, le rapport revenus/charge de l’emprunteur, son profil de risque, etc. », rappelle Valéry Halloy, porte-parole de BNP Paribas Fortis, banque leader sur le marché du crédit hypothécaire en Belgique. « Le conseiller bancaire effectue souvent une simulation du ‘pire scénario’ dans le cas d’un taux variable. Mais, in fine, c’est le client qui prend la décision. C’est le différentiel entre le taux fixe et le taux variable qui fera que le client penchera d’un côté ou de l’autre », indique la banque

Pour Quentin Vandenhaute, conseiller financier chez Maxel et Patrick Segers, courtier en crédit hypothécaire, fixer son taux a encore aujourd’hui plus d’intérêt que d’opter pour un taux variable. « Si l’inflation revient à 2% voire à 4%, un taux d’intérêt de 2% reste excellent puisque le taux réel reste négatif par rapport à l’inflation », indique Quentin Vandenhaute. Selon lui, le variable n’a vraiment d’intérêt que dans le cadre de crédits très courts. « Un taux variable est moins risqué pour un crédit sur 10 ans car il a moins de chance d’augmenter que pour un crédit sur 20 ans. » « Il faut également que la différence entre le taux fixe proposé par la banque et le taux variable soit conséquente », ajoute Patrick Segers. « Du 2% ou 2,5% reste bon marché si l’on compare à l’inflation. Les emprunteurs ont trop eu l’habitude de connaître des taux anormalement bas. Fixer son taux reste plus intéressant jusqu’à un niveau de 3,5% environ », chiffre le courtier.

TAUX FIXE VS TAUX VARIABLE

Un emprunteur qui contracte un prêt de 300.000 euros sur 20 ans au taux fixe de 1,90% remboursera mensuellement 1.501,17 euros sur toute la durée du crédit, soit 60.280,8 euros d’intérêts.

Pour le même dossier, avec un taux variable de 1,40%, cet emprunteur remboursera alors 1.432,66 euros par mois, soit a priori 43.838,40 euros d’intérêts sur 20 ans si son taux ne varie pas. Le taux d’intérêt variable lui permet donc d’économiser quelque 60 euros sur ses mensualités, voire plus si les taux baissent. Mais, dans le scénario du pire, soit en cas de doublement de son taux (2,8%) trois ans après avoir contracté son crédit – la variabilité d’un taux étant plafonnée, il peut au maximum doubler – l’emprunteur remboursera pour les 17 années restantes 1.599,70 euros par mois maximum, soit un total de 66.197,8 euros d’intérêts. Cela représente une différence de 167 euros/mois par rapport à son taux de départ et de 98 euros de plus par mois par rapport au taux fixe. Par contre, en cas de baisse des taux, cet emprunteur pourra encore en profiter.


  • Crédit en cours

Dans le cadre d’un crédit en cours, « les emprunteurs qui ont un taux fixe ont tout intérêt à rester en fixe, il ne faut pas y toucher », conseille Quentin Vandenhaute. Et ce d’autant plus si vous l’avez contracté durant les cinq dernières années, alors que les taux étaient à des niveaux planchers. Vous avez en effet la garantie et la tranquillité de ne jamais voir vos mensualités augmenter.

Par contre, si l’emprunteur avait un taux variable, fixer son taux peut avoir plus de sens, bien qu’il faille tenir compte d’une série de paramètres comme « la durée restante du crédit (plus de 10 ans), les taux actuels, l’indice de référence, ses objectifs, certaines modalités comme les frais liés à un refinancement… On considère qu’il faut au minimum 1% de différence entre l’ancien et le nouveau taux pour envisager un refinancement de crédit », détaille le courtier Patrick Segers.

2. Épargne

Si les banques ont adapté leurs tarifs hypothécaires, peut-on s’attendre à un tel mouvement pour les taux d’épargne, ce qui rendrait alors ces dépôts plus « attractifs », alors que le livret est depuis de nombreuses années le grand perdant des taux planchers? De fait, avec un minimum légal de 0,11%, face à une inflation de 8%, et même avec un niveau plus « standard » de 2%, le rendement est négatif.

« Aucun mouvement de hausse des taux sur les produits d’épargne n’a été opéré à ce stade », constate Brecht Coene de guide-épargne.be, un site qui permet de comparer les taux proposés par les différentes institutions financières du pays. Si les taux à long terme ont nettement remonté depuis fin décembre, ceux à court terme sont également en hausse, mais dans une moindre mesure. « Le taux de la BCE est d’ailleurs toujours négatif à ce jour (-0,50%) », rappelle le porte-parole de BNP Paribas Fortis. « Il n’y a pas encore eu de vraie décision de la Banque centrale européenne sur les taux courts. Tout porte à croire que l’on se dirige vers une hausse des taux, mais reste à voir si elle interviendra cet été ou en début d’année prochaine« , indique Corentin Minne, planificateur financier chez Pareto, qui ne s’attend toutefois pas à ce que cette hausse soit significative. « Les taux devraient effectivement remonter, mais dans une moindre proportion. À long terme, je pense qu’ils resteront relativement bas« , appuie Nicolas Cellières, planificateur financier et fondateur de Optivy.


« Pour les institutions financières, si le taux de la BCE passe de -0,5% à -0,2%, cela ne change presque rien et cela ne les poussera guère à augmenter les leurs. Il faudrait une remontée plus forte pour que les comptes rémunèrent à nouveau les épargnants, puisque les banques vont d’abord chercher à être rentables. Ces comptes leur font en effet perdre de l’argent depuis de nombreuses années », explique Corentin Minne. Les livrets d’épargne n’auront donc pas beaucoup plus d’intérêt à court-moyen terme qu’aujourd’hui. « L’épargnant prudent n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Même en cas de remontée des taux, le rendement de l’épargne restera malgré tout inférieur à l’inflation, même si celle-ci revient à des niveaux plus normaux », concède Corentin Minne.

Pour ces deux planificateurs financiers, ces hausses attendues sont surtout un retour à une forme de « normalisation » des taux. ‘ »Ils étaient en effet maintenus anormalement et artificiellement bas », pointe Nicolas Cellières, qui voit en cela une éventuelle perspective de retrouver plus d’alternatives aux marchés actions pour générer du rendement sur son patrimoine.

« À moyen terme, on devrait pouvoir rééquilibrer les portefeuilles, et donc mieux répartir ceux-ci dans différentes classes d’actifs avec un meilleur équilibre risque-rendement. Actuellement, vu le manque de visibilité et l’incertitude ambiante, il est difficile de dire quels produits seront plus intéressants et de déterminer une stratégie, car il s’agit d’une équation à de nombreuses inconnues », concède le fondateur de Optivy.


3. Investissements

Voilà des années que l’on vous serine de ne pas laisser vos économies croupir sur un compte d’épargne où elles perdent de la valeur, et de vous lancer dans l’investissement pour obtenir un minimum de rendement. Non sans vous avoir prévenu qu’il faudra garder votre sang-froid face à l’éventuelle volatilité des marchés. Et pour le coup, on y est.

Alors, qu’advient-il de la théorie si vous avez fini par suivre les conseils et que vous êtes plongé dans les affres du scénario redouté? Une petite plongée dans les aléas de la gestion d’un portefeuille en période de turbulences, guidée par des spécialistes, semble s’imposer.

Soyez rassuré, si vous avez investi, vous avez bien fait. » L’épargnant qui a perdu 11% de pouvoir d’achat ces 5 dernières années risque encore d’en perdre environ 8% en 2022″, assène David Ghezal, Senior Investment Strategist chez Deutsche Bank. « Le rendement de l’épargne pourrait commencer à frémir, mais il est impossible de dire à partir de quand et de combien. Il est en tout cas très peu probable qu’il retrouve ses niveaux du passé (4%) et qu’il compense la perte de pouvoir d’achat due à l’inflation record » (lire plus haut). Et même si on s’attend à ce que l’inflation reflue légèrement, alors que la BCE laisse entrevoir une hausse des taux à partir de juillet, « elle ne reviendra pas de sitôt aux niveaux d’avant la crise sanitaire et devrait rester supérieure à l’objectif de la BCE pendant un certain temps ».


  • Les obligations, pas une option

Vous ne trouverez pas vraiment de salut du côté des obligations, qui ont certes repris un peu de galon dans la foulée de la forte hausse des taux d’intérêt depuis le début de l’année, « mais pas de quoi vous couvrir puisque le taux de l’OLO belge à 10 ans tourne autour de 1,6 à 1,7%… » Marc Dhondt, spécialiste en gestion patrimoniale, envisage quand même deux pistes: les fonds d’obligations dont la sensibilité aux taux d’intérêts est inversée et les obligations liées à l’inflation.


  • Les actions, encore et toujours

Même si les marchés sont peu engageants, les actions restent la meilleure option. « Si l’on considère les performances des classes d’actifs sur les 90 dernières années, ce sont les actions qui ont procuré les rendements réels les plus élevés lorsque l’inflation était comprise entre 4 et 10% ». Par contre, les rendements sont plus faibles qu’en période de faible inflation et la volatilité à la mesure des circonstances que nous traversons.


Il est donc essentiel d’être et de rester à l’aise avec la composition de son portefeuille en ces temps tumultueux. « La situation s’est dégradée sur les marchés depuis le début de l’année, avec l’accélération continue de l’inflation, le resserrement monétaire de la Réserve fédérale (Fed), la guerre en Ukraine et la politique du zéro-covid en Chine qui affecte la croissance et ravive encore les pénuries », rappelle David Ghezal.

Si vous êtes déjà investi, le moment est venu d’analyser votre portefeuille. « Certains vont au-delà de la diversification conseillée et achètent tout ce qui marche le mieux à un moment. D’autres prennent des positions trop agressives par rapport à leur profil », constate Marc Dhondt. Le risque est qu’ils soient désormais surexposés, « par exemple au secteur technologique, sur la Chine ou les actions de croissance ».

Un arbitrage peut donc s’imposer au profit d’actions ou de fonds bien positionnés dans le contexte actuel. David Ghezal privilégie « la cybersécurité pour son potentiel de croissance à deux chiffres, les soins de santé qui, en soi, sont un secteur défensif et très diversifié, la transition énergétique qui est actuellement au cœur des enjeux et les infrastructures compte tenu des énormes besoins ». Marc Dhondt cible les actions d’entreprises de qualité qui génèrent du revenu de façon récurrente (leader dans leur domaine, car elles sont en mesure d’augmenter leurs prix), celles qui paient de généreux dividendes, les infrastructures (où les besoins sont énormes) et les fonds immobiliers (qui profitent des beaux liés à l’inflation).

Pour la construction de son portefeuille, Deutsche Bank recommande toujours de se constituer dans un premier temps un cœur de portefeuille robuste avec un panier de fonds mixtes flexibles qui permettent de naviguer dans les turbulences et d’absorber les plus gros chocs. Dans un second temps, on active des moteurs de rendement additionnel dans la partie satellite du portefeuille, en prenant un peu plus de risques et en privilégiant des thématiques porteuses (mentionnées plus haut).

Si vous n’avez pas encore cédé aux sirènes de l’investissement et que vous avez plus qu’un bas de laine à faire fructifier, « ne rien faire n’est pas une option », assure David Ghezal. Vous avez retenu qu’il faut acheter quand les marchés sont au plus bas et qu’il y a des opportunités à saisir? C’est évidemment le moment de vous lancer. Votre audace sera très probablement récompensée. Encore faut-il oser. Pas facile lorsque l’alignement des planètes est particulièrement défavorable… Le contexte est compliqué, instable, on manque de visibilité. La plupart des analystes estiment que le marché n’a pas encore touché le fond.

À ceux qui se lancent, Marc Dhondt conseille d’investir 50% directement et de répartir l’autre moitié sur 6 mois. Objectif : constituer un portefeuille diversifié, composé de 50 à 60% de fonds mixtes flexibles (qui ont l’avantage d’être dans les mains d’un gestionnaire), de 20% dans des thématiques porteuses et de 20% d’obligations ou de fonds alternatifs de type long short (qui sont à l’abri du marché, car ils ont à la fois des positions acheteuses et vendeuses). Veillez dans ce cas à acheter des fonds Ucits (réglementés, NDLR), pour éviter tout risque de non-liquidité.

« Une façon de faire ses premiers pas et d’amortir la volatilité est d’étaler ses investissements dans le temps« , rappelle David Ghezal. Vous fixez les montants à investir, la fréquence des achats et vous vous constituez ainsi progressivement un portefeuille dont le rendement sera aussi fonction de votre horizon de placement. Aux investisseurs plus réticents au risque, il conseille d’envisager « les produits structurés qui permettent de jouer la thématique de l’investissement sous-jacent, avec une protection de capital à l’échéance. »


Source : Mathilde Ridole, Muriel Michel, 16 mai 2022, l’Echo

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