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Investir votre épargne dans l’économie réelle: réelle alternative?

Prêt « proxi », « win win », « coup de pouce », Tax shelter, crowdlending… Tour d’horizon des formules (et conseils!) pour mieux cerner une offre séduisante mais pas sans risque!



Depuis la crise de 2008, le financement participatif séduit les investisseurs échaudés qui sont en quête de transparence, d’impact social et d’implication.

Malgré des taux d’intérêt anémiques et condamnés à le rester longtemps, le Belge s’accroche à son compte d’épargne où restent parqués 284 milliards d’euros. Et ce ne sont pas forcément les haut-le-cœur boursiers que les plus téméraires ont eus en se risquant sur les marchés financiers ces derniers mois qui vont encourager de nouvelles vocations.

Les petits épargnants en quête d’alternatives seront-ils davantage séduits par cette idée – qui resurgit périodiquement en temps de crise – d’activer leur épargne pour soutenir directement l’économie réelle (locale) via des formules de prêts spécifiques?

Les petites entreprises, dont les chances de survie sont particulièrement critiques dans les 5 premières années, rencontrent plus que jamais des difficultés pour accéder aux financements et aux liquidités auprès des établissements financiers. Dans le cadre du soutien à la relance de l’activité, le Fédéral et les Régions ont donc initié ou renforcé des dispositifs qui permettent aux particuliers de prêter de l’argent à ces entrepreneurs en bénéficiant d’un avantage fiscal et/ou d’un rendement attractif et, dans certains cas, d’une garantie.

« Depuis la crise de 2008, il existe vraiment un public pour ce type d’investissement. Des investisseurs échaudés qui sont en quête de transparence, d’impact social et d’implication« , déclare Maïté Brouns, Financial consultant chez Pareto.

Mais il n’est pas forcément évident pour un public non averti de s’y retrouver dans une offre devenue pléthorique, observe le planificateur financier Nicolas Cellières (Optivy) qui constate, lui aussi, "un engouement très net pour ces investissements alternatifs, en particulier via les plateformes de crowdlending qui font miroiter des taux qui atteignent jusqu’à 7 ou 8%".


Le risque, facteur clé

Si, de prime abord, il est plutôt sympathique et séduisant de soutenir financièrement le projet d’un membre de la famille, d’un ami ou d’un entrepreneur local dans lequel on croit, c’est souvent bien plus risqué qu’on ne le pense, mettent en garde tous les spécialistes.

« En matière de crowdfunding et de crowdlending, le risque est important et réellement plus élevé car on finance des start-ups qui, par définition, n’ont pas fait leurs preuves et qui présentent donc un risque maximum. À la différence de grandes entreprises cotées, on n’a aucun recul pour juger de leur santé », ajoute Maïté Brouns. « Le rendement n’est d’ailleurs jamais que (le reflet de) la prime de risque », rappelle opportunément Nicolas Cellières. « Un investissement dans une société non cotée donc moins liquide, et non diversifié, est forcément plus risqué que dans un fonds de placement qui compte au minimum 40 ou 50 lignes… », souligne-t-il.

Les plateformes de crowdlending font miroiter des taux qui vont jusqu’à 7 ou 8%, voire 10%. Mais le rendement est évidemment fonction du risque.

« L’épargnant doit rester vigilant car les risques de perdre le capital sont réels, notamment en cas de faillite. Ce genre de placement suppose une bonne compréhension de l’entreprise dans laquelle on investit, de ses enjeux financiers, etc. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle un mécanisme de sécurité est généralement prévu: en cas de non-remboursement, le prêteur pourra récupérer un pourcentage sous forme de crédit d’impôt unique », confirme Lionel Mélot, conseiller en planification financière et patrimoniale.


Diversification indispensable

Le petit épargnant en quête d’alternative ne doit donc certainement pas commencer par tout investir là-dedans. Il convient d’envisager cette alternative dans le cadre d’une stratégie d’investissement pyramidale conforme à son profil de risque et d’une diversification de son portefeuille (pour une petite partie seulement). « Or, on constate que, de façon quasi systématique, l’investisseur non averti dont le tiroir n°1 déborde de liquidités qu’il souhaite rentabiliser passe directement au tiroir n°7 – le plus risqué. Entre les deux, il opère rarement une optimisation correcte », déplore Nicolas Cellières.

Plus encore que tout autre investissement, le financement participatif nécessite effectivement une diversification poussée. « Investissez de plus petits montants par projet, mais dans plus de projets. Et investissez uniquement l’argent qui peut rester immobilisé et que vous pouvez vous permettre de perdre si les choses devaient mal tourner »: voilà ce que nous conseillons à nos clients qui optent pour le crowdlending, explique Maïté Brouns.


Crowdfunding et crowdlending

Faisons le tour des dispositifs qui existent en Belgique, dont plusieurs ont été créés ou renforcés tout récemment en réaction à la situation exceptionnelle qui prévaut, pour tenter de donner de l’oxygène aux entreprises.

Commençons par un petit point « lexique ». Certains de ces investissements dans l’économie réelle se font via le crowdfunding, d’autres via le crowdlending.

Le crowdfunding est un investissement dans une entreprise sous forme de prise de participation au capital (actions, parts).

Le crowdlending consiste en l’octroi d’un prêt rémunéré (emprunt obligataire) avec un taux d’intérêt fixe et un plan de remboursement préétabli du capital emprunté. « Le risque est donc régressif dans le temps », note Maïté Brouns.

Les intérêts relatifs à la première tranche de 9.965 euros de prêts aux start-ups sont exonérés de précompte mobilier.

Le financement alternatif via une plateforme agréé

Il existe 8 plateformes de financement alternatif (dont certaines, thématiques) agréées par la FSMA: 001 Pact Impact Investment, Beebonds, Ecco Nova, Lookandfin, Participate (site non trouvé, NDLR), Spreds, WinWinner Crowd et Raizers SAS


Via Look&Fin par exemple, qui est le pionnier et leader du marché, le ticket d’entrée est fixé à 100 euros. La plateforme propose des formules adaptées à tous les profils de risques. Les fonds sont mobilisés durant 1 à 5 ans. Les rendements bruts attendus varient entre 2,5 et 3% par an pour un prêt avec garantie de capital, et grimpent entre 5 et 10% pour un prêt sans garantie de capital, en fonction du type de prêt, de sa durée et de l’évaluation du risque sous-jacent réalisée par la plateforme.

Mais la plateforme insiste sur un B.A-BA à respecter: répartir ses prêts sur 30 dossiers minimum, selon les classes de risque et ne pas consacrer plus de 5% de son portefeuille à un seul dossier. 84% des investisseurs qui suivent les règles de diversification ont un taux de rentabilité supérieur à 6%, assure Look&Fin sur son site.


Le Tax shelter pour entreprises débutantes

Grâce au système de Tax shelter fédéral pour entreprises débutantes (start-ups), qui a dans un premier temps été étendu aux entreprises en croissance (scale-ups), le particulier qui investit chaque année jusqu’à 100.000 euros dans une société débutante et maintient son investissement durant 4 ans bénéficie d’une réduction d’impôt de:

– 25% du montant investi dans une scale-up (entreprise en croissance entre 5 et 10 ans d’existence)

– 30% du montant investi dans une PME (de moins de 4 ans).

– 45% dans une start-up (de moins de 4 ans).

Attention, vérifiez que l’entreprise réunit les critères requis pour l’octroi de l’avantage fiscal et fournit l’attestation demandée !

… étendu temporairement à toutes les PME

Le gouvernement vient de décider d’étendre temporairement le Tax shelter à toutes les PME qui ont souffert du Covid-19. Concrètement, celles dont le chiffre d’affaires a chuté d’au moins 30% sur la période du 14 mars au 30 avril, par rapport à la même période de 2019.

« L’augmentation de capital dans ce cadre est plafonnée à 250.000 euros pour l’entreprise qui en bénéficie, mais est cumulable avec les montants prévus dans le cadre du Tax shelter starter et scale up! Une PME peut donc lever jusqu’à 500.000 euros par exemple, via la mesure pour entreprises en croissance, et 250.000 euros supplémentaires via le dispositif temporaire », selon un communiqué conjoint des ministres Ducarme (Indépendants, PME) et De Croo (Finances).

L’investisseur profite d’une réduction d’impôt de 20%. Les paiements effectués pour les actions ou parts de la société visées sont pris en considération pour la réduction d’impôt avec un plafond de 100.000 euros. Ces participations devront être conservées durant un minimum de 60 mois.


En Flandre

Le prêt win-win, qui existe depuis 2006, permet au particulier de prêter jusqu’à 50.000 euros à une ou plusieurs PME pour une durée fixe de 8 ans. Les prêts conclus en 2020 doivent avoir un taux d’intérêt minimum de 0,875% et un taux maximum de 1,75%. Le prêteur bénéficie d’une réduction d’impôts annuelle de 2,5% sur le solde moyen de capital restant dû, ce qui porte l’avantage maximal à 1.250 euros.

Le 1er juin 2020, le gouvernement flamand a décidé la création d’un « welvaartsfonds » doté de 500 millions d’euros, destiné aux grandes entreprises, aux PME, mais également aux start-ups et scale-ups. La société d’investissement PMV (Participatiemaatschappij Vlaanderen) y injectera 240 millions d’euros et 260 millions seront récoltés auprès des particuliers pour être affectés à des augmentations de capital ou à des prêts subordonnés d’entreprises flamandes. Les prêteurs auront droit à un avantage fiscal de 2,5% par an les trois premières années (max. 1.000 euros/ contribuable). Aucune protection du capital n’est prévue et, s’agissant de prêts subordonnés, les risques en cas de faillite sont élevés (puisque les créanciers privilégiés sont prioritaires). Les actions du fonds pourront par contre être transmises par succession au taux avantageux de 3%.

La « vriendenaandeel », permet aux particuliers d’investir jusqu’à 75.000 euros dans la société, la coopérative ou l’initiative citoyenne d’un proche ou d’un membre de sa famille en profitant durant 5 ans d’un crédit d’impôt de 2,5% du montant investi (maximum 1.875 euros). Aucune garantie n’est prévue en cas de faillite. La société qui sollicite le financement est limitée à un plafond de 300.000 euros.


En Wallonie

Dans le cadre d’une réforme qui devrait être validée la semaine prochaine, le gouvernement wallon entend élargir le prêt coup de pouce aux indépendants, microentreprises et PME établies en Région wallonne.

Si la réforme est adoptée la semaine prochaine, à l’avenir, le prêteur pourrait accorder un crédit jusqu’à 125.000 euros (contre 50.000 actuellement) à un ou plusieurs emprunteurs. Le prêt subordonné est octroyé sur quatre, six ou huit ans, et le capital est remboursé intégralement à l’échéance. Pour les prêts conclus en 2019, le prêteur reçoit un taux d’intérêt qui ne peut être inférieur à 1% ni supérieur à 2%. Les deux premières années (au lieu de 4 actuellement), il aura droit à un crédit d’impôt de 4% du capital prêté, puis de 2,5% les années suivantes. Enfin, dans la nouvelle mouture, le gouvernement envisage également d’apporter sa garantie aux prêts.

De son côté, l’emprunteur devrait désormais pouvoir lever jusqu’à 250.000 euros au total (contre 100.000) et rembourser de façon échelonnée, ce qui n’est pas le cas dans la formule actuelle.


À Bruxelles

La Région bruxelloise, elle, vient seulement de se doter d’un instrument similaire. Le Prêt proxi permet aux PME bruxelloises de contracter un prêt à taux réduit d’une durée fixe de 5 ou 8 ans auprès d’un particulier, jusqu’à un maximum total de 250.000 euros. Le taux du prêt doit encore être fixé, mais sera similaire à celui en vigueur en Flandre et en Wallonie: entre 0,875% et 1,75%.

Le prêteur peut investir jusqu’à 50.000 euros (75.000 euros en 2020 et 2021 compte tenu des impératifs de relance) par entreprise et par année fiscale, et maximum 200.000 euros par an (300.000 euros en 2020 et 2021). Pour cet investissement, il profite d’un crédit d’impôt de 4% par an (maximum) du montant, les 3 premières années, puis de 2,5% maximum jusqu’au terme du prêt. Si l’emprunteur est dans l’incapacité de rembourser, le prêteur récupérera 30% du montant sous forme de crédit d’impôt.


Source : L’Echo, Muriel Michel, le 22 juin 2020

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