Déclaration d'insaisissabilité, assurance-vie, société... Voici dix manières de protéger votre
patrimoine privé de votre situation professionnelle en cas de difficultés.
Si vous exercez en société, celle-ci peut détenir des actifs immobiliers et mobiliers. Concernant les immeubles, il est recommandé de scinder l’immobilier du risque
d’exploitation. ©Valentin Bianchi / Hans Lucas
Une perte de revenus importante à la suite d’un accident, d'une maladie, d'une faillite…
aucun indépendant n’est à l’abri de voir son patrimoine privé impacté par sa situation
professionnelle.
Néanmoins, il existe des moyens pour protéger ses biens personnels en cas de problèmes au
sein de son activité. Voici plusieurs pistes.
1. Sauvegarder la solvabilité de votre entreprise
En cas de perte de revenus ou de maladie, pour maintenir le bateau à flot, vous pouvez tenter
de réduire vos frais au maximum. Si votre activité ralentit, il est possible de mettre une
partie ou la totalité de votre personnel – si l’entreprise est totalement fermée – au chômage
économique.
"Une société permet, pour autant que celle-ci prévoie une responsabilité limitée aux apports, de scinder les patrimoines privé et professionnel."
Nicolas Cellières
Fondateur de Optivy
"Certains frais fixes sont sans doute devenus non indispensables, je pense par exemple aux
frais de télécommunications, à l’énergie, aux assurances auto…", cite Nicolas Cellières,
planificateur financier et fondateur de Optivy.
Il suggère de revoir le forfait télécoms à la baisse si certains points d’exploitation sont
vides, ou encore de revoir le contrat d’énergie.
"Il serait sans doute aussi intéressant de revoir les assurances auto, par exemple. Cela peut
vous permettre d’économiser quelques centaines d’euros. C’est aussi le moment de revoir
différents contrats d’assurance, vos contrats avec vos fournisseurs, etc.", indique encore le
planificateur financier, qui rappelle qu’il existe des consultants appelés "cost killers", qui
peuvent vous aiguiller dans ces démarches.
2. Travailler sous forme de société
Lorsque vous êtes indépendant en personne physique, il n’y a pas de séparation entre les
patrimoines privé et professionnel, "votre patrimoine privé est donc plus exposé, ce qui
comporte des risques", prévient Nicolas Cellières. "Une société permet, pour autant que celle-
ci prévoie une responsabilité limitée aux apports, de scinder les patrimoines privé et
professionnel."
Par exemple, si un kinésithérapeute qui travaille en personne physique a des créanciers qui
réclament leur dû, ces derniers pourraient ponctionner son patrimoine privé, autrement dit
son/ses immeubles, ses meubles, son épargne… En créant une structure sociétaire, il protège
son patrimoine privé et les créanciers ne pourront exercer un recours qu’à concurrence des
biens de la société elle-même.
Il est recommandé de scinder l’immobilier du risqued’exploitation. Le but étant d’éviter qu’on ne saisisse l’immobilier.
Nicolas Cellières
Fondateur de Optivy
"Mais attention, dans certains cas, un administrateur de société peut également avoir une
responsabilité personnelle. Dès lors, il peut être poursuivi personnellement et son patrimoine
privé peut être mis en risque", alerte le spécialiste qui recommande alors de souscrire une
assurance administrateurs (RC administrateurs)."
La prime de ce type d’assurance dépend, entre autres, de la situation financière, de la taille,
des activités de l’entreprise et des montants pour lesquels elle décide d’assurer la
responsabilité civile de ses administrateurs.
Pour les indépendants qui sont déjà en société, le fait de souscrire une RC
administrateurs peut être une bonne solution.
3. Scinder l'exploitation et l’immobilier
Si vous exercez en société, celle-ci peut détenir des actifs immobiliers et mobiliers.
Concernant les immeubles, "il est recommandé de scinder l’immobilier du risque
d’exploitation. Le but étant d’éviter qu’on ne saisisse l’immobilier, qui est souvent l’outil de
travail et constitue pour le dirigeant une part importante de son futur capital pension. Les
actifs meubles comme des réserves de trésorerie disponibles peuvent être externalisés",
conseille le planificateur financier.
Une déclaration "classique"; d'insaisissabilité chez le notaire coûte minimum 1.300 euros.
En reprenant l’exemple du kinésithérapeute, si sa société dispose de 150.000 euros en
trésorerie, il peut verser une partie de ce montant dans un EIP (engagement individuel de
pension).
"En externalisant ce capital dans un EIP, il devient insaisissable pour les créanciers", indique
le spécialiste. Concrètement, l’EIP s’adresse aux dirigeants d’entreprise. Il s’agit d’une
pension complémentaire dont les cotisations sont payées par la société et qui est fiscalement
avantageuse.
"Il est possible de procéder aussi à un back service, c’est-à-dire de payer une prime de
rattrapage pour les années durant lesquelles on n’a pas cotisé. Vous pouvez récupérer jusqu’à
dix ans en arrière." La prime est néanmoins toujours plafonnée par la règle des 80% (soit
grosso modo 80% de la rémunération du dirigeant à laquelle l’on applique des coefficients).
Il est important toutefois de noter que ce capital sera d’office bloqué jusqu’à votre pension. Si
vous souhaitiez l’investir à court terme, cela ne sera pas possible.
4. Faire une déclaration d'insaisissabilité
Vous pouvez également faire une déclaration d’insaisissabilité pour votre immeuble
d’habitation.
Beaucoup de gens ne le savent pas, mais transférer son épargne dans une assurance-vie permet de la protéger de ses créanciers.
Nicolas Cellières
Fondateur de Optivy
Il faudra alors passer chez un notaire pour faire cette déclaration dont le coût peut varier, pour
un dossier basique, de 1.300 euros à 1.500 euros. Elle rend alors votre logement (dont vous
êtes propriétaire) insaisissable.
"Il existe une limite: il ne peut pas y avoir de pratique abusive. Si les créances existent déjà
avant la déclaration, ça ne sert à rien d’aller vite chez le notaire, la déclaration n’aura pas
d’effet. Il ne doit pas y avoir de créance douteuse au moment de la procédure. Il s’agit
d’une démarche proactive de mise à l’abri", prévient Nicolas Cellières.
5. Mettre votre épargne dans une assurance-vie
"Beaucoup de gens ne le savent pas, mais transférer son épargne dans une assurance-vie
permet de la protéger de ses créanciers."
Un contrat d’assurance-vie se traite avec une compagnie d’assurance: vous confiez votre
argent à la compagnie qui devient elle-même créancière à votre égard en vertu du contrat
d’assurance pour lequel vous avez des droits, comme le droit de rachat sur la police
d’assurance et tous les droits inhérents à la gestion elle-même de la police.
"Dans le contrat, il y a plusieurs parties prenantes: il peut y avoir un ou deux preneurs, un ou
plusieurs assurés, et des bénéficiaires en cas de vie et en cas de décès. Le contrat doit avoir un
terme, mais il peut avoir une durée de type vie entière", explique Nicolas Cellières.
Dans notre exemple, si le kinésithérapeute possède 100.000 euros sur son compte d'épargne
ou un autre compte en banque (compte à vue, compte-titres…) et si ses créanciers le
poursuivent, ils peuvent ponctionner ce compte. "Un créancier peut saisir les avoirs sur un
compte bancaire pour honorer une créance. Pour protéger son épargne, le kinésithérapeute
pourrait la transférer sur un contrat d’assurance-vie, la rendant insaisissable", conseille le
planificateur financier, qui indique que "cet argent ne pourra plus être utilisé à court terme.
Vous vous privez alors d’une trésorerie, mais protégez votre patrimoine".
Si vous procédez plus tard à un rachat, le créancier peut alors toujours saisir le montant, sauf
si la créance s’est éteinte entre-temps.
6. Revoir la gestion des risques de votre ménage
Vous pouvez également faire le point sur l’ensemble des risques du ménage, car souvent, la
situation évolue sans que la gestion des risques n’ait été considérée de manière globale. Vous
pourriez par exemple faire le point sur les aspects suivants:
Si vous êtes marié en séparation de biens, cela permet delimiter l’action des créanciers au seul patrimoine propre du conjoint défaillant et de sauver le patrimoine de l’autre conjoint.
Nicolas Cellières
Fondateur de Optivy
Sur quel(s) revenu(s) pourrez-vous compter si vous tombez malade et ne pouvez plus
travailler? Vos assurances "incapacité de travail" sont-elles toujours "à jour"?
Suffiront-elles pour couvrir toutes vos dépenses en cas de maladie ou d’accident?
En cas de décès, vos proches sont-ils suffisamment protégés financièrement? Vos
crédits sont-ils correctement couverts? Votre famille disposera-t-elle de moyens
suffisants pour poursuivre une vie décente?
Avez-vous prévu un fonds d’urgence? Avez-vous suffisamment diversifié la nature de
vos revenus?
En répondant à ces quelques questions, vous pourriez être amené à prendre des dispositions
telles que souscrire à une assurance revenu garanti, une assurance décès, ou au contraire,
réaliser de nouvelles économies si les couvertures actuelles s’avèrent superflues.
7. Planifier
Planifier votre patrimoine familial peut parfois servir de bouclier. De fait, votre contrat de
mariage vous permettra, en tant qu’indépendant, dans certains cas, de sauver les
meubles.
"Si vous êtes marié en séparation de biens, cela permet de limiter l’action des créanciers au
seul patrimoine propre du conjoint défaillant et de sauver le patrimoine de l’autre conjoint. Au
niveau de la séparation des patrimoines, pour les couples qui ne sont pas mariés, la
cohabitation légale se rapproche du régime de séparation de biens", indique Nicolas Cellières.
On peut même aller plus loin si vous êtes marié sous le régime de séparation de biens: il est toujours possible de réaliser une donation entre époux.
Nicolas Cellières
Fondateur de Optivy
Si vous êtes marié sous le régime de la communauté (régime légal), ce qui est acquis
pendant le mariage est réputé appartenir à la communauté, indépendamment du niveau de
revenus de l’un et de l’autre. Les créanciers ont donc directement accès au patrimoine
commun, ce qui n’est pas le cas dans le régime de séparation de biens.
"On peut même aller plus loin si vous êtes marié sous le régime de séparation de biens: il est
toujours possible de réaliser une donation entre époux. Notre kinésithérapeute peut donner
son épargne de 100.000 euros à son épouse pour se déposséder et protéger son patrimoine.
Ces 100.000 euros ne pourront pas être saisis puisqu’ils appartiennent désormais à l’épouse.
Si la donation est réalisée en dehors du contrat de mariage, elle est toujours révocable de
manière unilatérale. C’est-à-dire que s’ils divorcent quatre ou cinq ans plus tard, la donation
peut être révoquée par Monsieur et il peut le faire seul sans le consentement de Madame."
Si vous êtes mariés sous le régime légal, il est possible de dissoudre la communauté et de
passer au régime de séparation de biens. Il faudra alors repasser devant le notaire, ce qui
engendre des coûts.
"Chaque cas est unique et la stratégie ne sera pas la même pour tout le monde. Il faut un
examen spécifique à la situation", rappelle Nicolas Cellières d’Optivy, "toutes ces pistes sont
valables et possibles dès lors qu’il n’y a pas encore de créance douteuse. Sinon, cela
s’assimile à une pratique abusive qui revient à organiser son insolvabilité, ce qui est
condamnable."
8. Souscrire une assurance dirigeant d'entreprise
Une ADE est une assurance dirigeant d’entreprise. Elle consiste à prévoir le versement d’un
capital ou d’une rente à la société en cas d’incapacité de travail, d’invalidité ou de décès
de son dirigeant ou d’une personne clé.
Grâce à cette couverture d’assurance, la société peut continuer à faire face à ses obligations
financières ou encore, peut continuer à verser une rémunération ou à octroyer des avantages à
son dirigeant.
9. Différer ses revenus
Le dirigeant d’entreprise pourrait bénéficier de revenus différés dans le temps. Ainsi, ces
revenus sont perçus par l’indépendant alors même qu’il se trouve en incapacité de travail.
"Je pense par exemple aux plans d’options sur actions qui sont dénouables après une période
d'un an ou encore, à un dividende de liquidation prélever après la période de mise en réserve
de cinq ans. Dans ce cas, attention cependant à veiller à ce que la société dispose bien des
liquidités nécessaires."
10. Générer des revenus passifs
L’entrepreneur avisé aura naturellement pris le soin de générer des revenus passifs, c'est-à-
dire des revenus qui se génèrent seuls, sans l’intervention (temps de travail) de
l’indépendant. Par exemple, il peut s’agir de faire en sorte que son modèle d’entreprise
fonctionne sans lui, ou encore de revenus passifs privés, comme des revenus
Source : L'Echo - Mathilde Ridole - 15 octobre 2024
Commentaires