
L’hiver revient une fois de plus sur les marchés mondiaux. Nous approchons à grands pas d’un point de rupture pour l’économie mondiale, un point qui sera atteint vers le prochain trimestre à cause du « fauconisme » des décideurs politiques.
Trois facteurs L’inflation est profondément enracinée et perdurera. Mais trois facteurs conduiront au point de rupture inflationniste. La question qui se pose réellement aux investisseurs est la suivante : si le « fauconisme » arrive à son comble au quatrième trimestre, que se passera-t-il ensuite ? Premièrement, les banques centrales se rendent compte qu’il est préférable pour elles de pécher par excès de fauconisme plutôt que de continuer à répandre l’idée que l’inflation est transitoire et restera ancrée. Deuxièmement, le dollar américain est incroyablement fort et réduit la liquidité mondiale par l’augmentation des prix à l’importation des matières premières et des marchandises, diminuant ainsi la croissance réelle. Troisièmement, la Fed devrait enfin atteindre le plein régime de son plan QT, ce qui réduira son bilan gonflé de jusque 95 milliards de dollars par mois. Sous l’effet de ces trois facteurs adverses, au quatrième trimestre, nous devrions au minimum voir la volatilité augmenter et, potentiellement, les marchés obligataires et boursiers rencontrer de grandes difficultés.
Et après ? Que se passera-t-il après ? Le marché va peut-être commencer à valoriser l’anticipation d’une récession plutôt que de simplement ajuster les multiples de valorisation en raison de rendements plus élevés. Ce tournant dans la valorisation d’une récession à venir pourrait se produire en décembre, lorsque les prix de l’énergie atteindront un sommet à cause des trois facteurs cités plus haut. On estime que la part totale de l’énergie dans l’économie mondiale est passée de 6,5 % à plus de 13 %, soit une perte nette de 6,5 % du PIB. Cette perte doit être compensée par une augmentation de la productivité ou par une baisse des taux réels. Et des taux réels plus bas devront être maintenus pour éviter de gripper nos économies saturées de dettes. Autrement dit, il y a en fait deux possibilités : soit l’inflation élevée reste bien supérieure aux taux directeurs, soit les rendements chutent encore plus vite que l’inflation. Laquelle se produira ? Ce sera la question cruciale.
Le bon côté des choses : les crises boostent l’innovation Cette crise de l’énergie accélérera la transition écologique en Europe et entraînera une renaissance potentielle de l’Afrique. Mais, surtout, elle activera la démondialisation, avec une division en deux de l’économie mondiale, l’Inde étant le principal point d’interrogation. Pour le marché mondial des actions, il y a encore du chemin à parcourir cet hiver avant de toucher le fond, mais les jours les plus radieux sont encore devant nous. La crise énergétique mondiale fait les gros titres, or le véritable hiver qui nous attend est le courant de démondialisation qui s’est intensifié. On a l’impression que le monde se divise en deux systèmes de valeurs. La mondialisation a été le principal moteur de la faible inflation de ces 30 dernières années et a été déterminante pour les marchés émergents et leurs marchés d’actions. La démondialisation provoquera des troubles dans les pays à excédent commercial, exercera une pression à la hausse sur l’inflation et menacera le dollar américain en tant que monnaie de réserve. La crise énergétique fera de l’Europe le leader mondial des technologies énergétiques mais, en attendant, la volonté du continent de devenir indépendant de la Russie en matière de ressources signifie que l’Afrique doit combler le vide, ce qui place l’Europe en concurrence directe à plus long terme avec la Chine. Au milieu de tout cela se trouve l’Inde. Le pays le plus peuplé du monde peut-il adopter une position véritablement neutre ou sera-t-il contraint de faire des choix difficiles ?
Situation moins dramatique pour les matières premières au quatrième trimestre Les nombreuses incertitudes continueront de créer un environnement volatil pour la plupart des matières premières jusqu’à la fin de l’année. Il est peu probable que le secteur subisse un revers majeur avant de reprendre de la vitesse en 2023. Cette prévision de prix stables, voire plus élevés, sera alimentée par des poches de force dans les matières premières de base dans les trois secteurs de l’énergie, des métaux et de l’agriculture. La demande mondiale de denrées alimentaires étant relativement constante, l’offre continuera de dicter l’évolution générale des prix. Les stocks mondiaux des principaux produits alimentaires, du blé au riz en passant par le soja et le maïs, étant déjà sous pression en raison des conditions météorologiques et des restrictions à l’exportation, le risque de nouvelles flambées demeure clairement un danger critique. Les négociants et les investisseurs en métaux précieux continueront à se concentrer sur l’orientation du dollar et des rendements obligataires américains. L’or est actuellement coincé dans une large fourchette, mais avec le risque d’une récession aux États-Unis en 2023 et d’une inflation restant longtemps élevée, l’or devrait afficher de beaux résultats dans un tel scénario. Les majors pétrolières, qui croulent sous les liquidités, de même que les investisseurs en général, qui se montrent peu enclins à investir dans les nouvelles découvertes, laissent entendre que les prix de l’énergie devraient rester élevés pendant des années encore.
Et le dollar ? À moins d’une reprise soudaine de l’approvisionnement en gaz naturel russe au quatrième trimestre, un hiver économique s’annonce pour l’Europe et l’euro, ainsi que pour les monnaies satellites que sont la livre sterling et la couronne suédoise. Bien que la BCE et d’autres banques centrales, à l’exception notable de la Banque du Japon (BoJ), aient rattrapé leur retard en resserrant leur politique au troisième trimestre, la Fed reste la banque centrale qui « les gouverne toutes ». Il faudra que la Fed assouplisse à nouveau sa politique avant que nous puissions être sûrs que le dollar américain est enfin prêt à opérer un retournement. Les élections américaines de mi-mandat sont un événement déclencheur de risque important pour le dollar au quatrième trimestre. Les États-Unis ne sont en mesure d’adopter une politique financière marginale que lorsque les deux chambres du Congrès et la présidence ne sont pas contrôlées par un parti. Si les Démocrates créent la surprise et conservent le contrôle de la Chambre des représentants, ils pourraient complètement renverser le scénario de la politique budgétaire.
Macroéconomie : la crise énergétique européenne va s’aggraver avant une amélioration L’hiver sera rude, cela ne fait aucun doute. Toutefois, une répétition de la ‘Panique de 1837’ et des révolutions qui ont frappé l’Europe l’année suivante n’est pas inévitable en 2023. Il est possible de créer un terrain solide pour la transition énergétique en Europe si nous nous concentrons sur des solutions éprouvées en matière d’efficacité énergétique, d’énergie nucléaire et d’infrastructures industrielles. C’est maintenant aux décideurs politiques de faire le bon choix. L’histoire ne se répète pas, mais elle rime souvent. La période économique actuelle fait écho à celle du milieu du 19e siècle, mais avec deux différences majeures : le capital est abondant et la main-d’œuvre rare. L’efficacité énergétique est l’angle mort de la politique énergétique européenne. Nous devons investir dans les innovations technologiques, notamment l’intelligence artificielle (IA), qui pourraient apporter des bénéfices rapides et concrets aux usagers et faire baisser la consommation dès cet hiver. Par exemple, l’opérateur du métro de Barcelone a installé un système de climatisation ‘intelligent’. La consommation d’énergie a diminué d’un remarquable 25 % en moyenne et la satisfaction des usagers a progressé de 10 %. Cette technologie permettra de réduire considérablement la consommation d’énergie, non pas dans quelques années, mais quelques semaines après son déploiement. Que cela nous plaise ou non, le nucléaire fait partie intégrante de la solution. Alors que la plupart des pays européens sont réticents à aller de l’avant, l’Asie l’adopte massivement. L’idée dominante selon laquelle les déchets nucléaires sont uniquement dangereux et l’industrie ne sait pas quoi en faire est fausse. Le nucléaire doit absolument faire partie intégrante de la transition énergétique si nous voulons un jour atteindre une économie à faible émission de carbone. L’Europe a investi massivement dans la transition écologique, mais il y a une pièce manquante, à savoir son manque d’infrastructures industrielles et son incapacité à contrôler la chaîne d’approvisionnement nécessaire à cette transition. À partir de 2035, on pourra seulement vendre des voitures et des camionnettes neuves dans l’Union européenne si elles n’émettent aucun CO2. Mais qui contrôle l’extraction et le traitement des minerais critiques nécessaires aux batteries des véhicules électriques et à la transition écologique ? La Chine. Il ne sera pas facile de diversifier l’approvisionnement vis-à-vis de la Chine et cela ne se fera pas du jour au lendemain. Nous sommes en train de répéter exactement la même erreur qu’avec la Russie (pour l’énergie fossile) et la Chine (pour les masques et des médicaments vitaux pendant la pandémie de Covid).
Source : Moneystore.be
20 octobre 2022 - REDAC - SAXO
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